Le « soi » et « l’autre » : une approche théorique

Par Dan Mamlok and Sandra Chang-Kredl

Dans notre publication précédente, nous avons présenté notre recherche concernant la construction du soi et de l’autre par les enfants. Ici, nous nous concentrerons sur notre approche théorique des idées du soi et de l’autre, fondée sur la théorie de George Herbert Mead (1956).

L’un des concepts clés de nos recherches est l’autre. Nous utilisons couramment ce terme pour désigner des personnes différentes de la majorité ou de ce que les groupes culturels considèrent comme « normal ». En sociologie, le terme « autre » désigne la manière dont les identités sont formées. Pour comprendre cette formation, il est nécessaire d’examiner les relations de pouvoir et les postulats relatifs aux différents groupes de la société, autrement dit les catégories sociales. Ceci est important, car, lorsque les individus intériorisent leurs identités sociales, ils développent une vision du monde vis-à-vis de soi et de l’autre.

George Herbert Mead est le concepteur de l’un des développements les plus influents des idées du soi et de l’autre (et d’autrui) en sociologie moderne : l’idée de l’autrui généralisé. Ce concept fait référence à l’organisation du comportement, des attitudes, des réponses, des rôles et des actes que le soi considère comme un être social, c’est-à-dire la façon dont les enfants et les adultes se comprennent par rapport à la société. Mead explique comment les gestes et les symboles peuvent déterminer la manière dont nous agissons dans différentes situations (lieu de travail, école, manifestations culturelles). Par exemple, lorsqu’un enseignant entre dans la classe, les élèves savent qu’ils doivent garder le silence, ou commencer à travailler sur une tâche ou un projet de groupe. Le concept de l’autre généralisé est lié aux comptes généraux de Mead sur le développement de soi. Selon Mead, le soi n’est pas isolé des contextes sociaux et culturels. Les gens développent plutôt leur identité lorsqu’ils commencent à interagir avec les autres et prennent conscience des différents rôles qu’ils interprètent. Dans l’enfance, cela est évident lorsqu’on observe les enfants jouer à faire semblant. Au début du jeu symbolique, les enfants ont tendance à adopter des rôles (comme une mère, un chien). Aux stades plus avancés du développement (jeu sociodramatique), ceux-ci comprennent le lien complexe entre les différents rôles que les autres participants acquièrent dans le jeu, ce qui, selon Mead, est un élément important pour comprendre le fonctionnement des systèmes sociaux.

L’idée de l’autrui généralisé est utile pour observer le développement de l’identité et la compréhension de soi et de l’autre chez les jeunes enfants, ainsi que lorsqu’on examine la manière dont les systèmes sociaux et les processus de socialisation évoluent, et comment les gens intériorisent les valeurs et les hypothèses à l’égard de leur communauté et des autres. Cette théorie explique également l’émergence de la conformité et l’importance des valeurs communautaires pour le développement de l’identité. Un élément important du développement de soi de Mead est la capacité de l’individu à aller au-delà de la reconnaissance de soi-même en tant que partie intégrante du système et à développer une attitude réflexive, c’est-à-dire la capacité de reconnaître le soi d’une manière qui transcende ses personnages spécifiques (tels que maman, papa, frères et sœurs, amis) et de se positionner par rapport à un autre [s] généralisé ; la représentation devient plus abstraite que concrète, et elle se place dans un contexte socioculturel. Ceci est essentiel pour le développement de la société et pour que les individus apportent des changements positifs et constructifs dans leurs communautés.

En ce qui concerne nos recherches, nous visons à comprendre comment les biens culturels (y compris les matériaux en ligne et hors ligne) influencent le développement de l’identité des enfants, leur conception de soi-même par rapport à la société, et les aspects qui reflètent une compréhension culturelle plus large de la communauté et de l’identité de soi, ainsi que les conséquences que nos conclusions pourraient avoir pour les enseignants et les parents de jeunes enfants. De plus, les éléments sociologiques du développement de l’identité sont essentiels pour comprendre la formation des conventions et des identités sociales, et la conception d’outils pédagogiques qui favorisent une compréhension plus réflective des situations sociales.