Jessie Beier et la collaboration entre Paysage de l’espoir et BAM

« Quel rapport avec l’antiracisme ? » C’est l’une des dernières questions posées par l’un des (plus de deux cents !) jeunes avec lesquels nous avons travaillé lors d’un récent atelier de Paysage de l’espoir organisé au Bennett Centre à Edmonton, en Alberta, en mars 2022. Pendant deux jours d’ateliers dans le cadre de sommets jeunesse plus larges organisés par BAM (un réseau éducatif alternatif au sein des écoles publiques d’Edmonton), nous avons travaillé avec plusieurs groupes de jeunes pour créer des cartes sonores, expérimenter la création collaborative de rythmes et enregistrer nos voix afin de répondre de manière créative à la question suivante : « À quoi ressemble l’espoir ? »

Cette question quelque peu abstraite et provocatrice sur le son de l’espoir a été posée dans un contexte bien particulier : le premier jour du Sommet était centré sur l’idée des « mode de connaissance », où les étudiant.e.s étaient chargé.e.s de réfléchir aux lentilles épistémologiques qui structurent la manière dont nous apprenons à prendre soin (ou non) les uns des autres, de la terre et de nous-mêmes ; et le deuxième jour était axé sur « l’antiracisme ». Les étudiant.e.s étaient réuni.e.s pour proposer collectivement des projets réalisables visant à créer des écoles antiracistes.

La question posée par notre jeune ami au sujet de l’atelier, de ses liens et de ses engagements en matière d’antiracisme, a été soulevée dans les derniers instants du dernier atelier, lorsque nous nous sommes réunis en groupe pour discuter de la manière dont le travail avec le son pourrait offrir un aperçu de certains des thèmes plus larges du Sommet. La question, qui continue à résonner pour moi bien au-delà des murs de la salle de l’atelier, a offert une interférence importante, et, à mon avis, une ouverture intégrale, pour vraiment songer à comment quelque chose comme un atelier pédagogique de 75 minutes basé sur les arts compte, si tant est qu’il compte, quand il s’agit de contrer quelque chose comme les systèmes d’oppression coloniaux et de suprématie blanche qui continuent à structurer les espaces d’enseignement.

Sur le moment, j’ai pris du recul pour répondre à cette question cruciale ; au lieu de partager l’éruption de pensées suscitée dans mon propre esprit, j’ai demandé au groupe ce qu’il pensait. Plusieurs mains se sont levées immédiatement. Au fur et à mesure que la question se répandait dans la salle, les jeunes répondaient de toutes sortes de manières, offrant des idées puissantes sur, par exemple : comment l’art et l’expression peuvent créer un sentiment d’appartenance ; comment avoir un espace pour utiliser sa voix de manière émergente peut être stimulant ; comment faire des choses ensemble exige des pratiques actives d’écoute et d’expérimentation collective ; comment le son offre un « langage » qui s’étend au-delà des frontières, changeant ces frontières dans le processus ; et, comment se produire devant des pairs peut mettre en évidence le puits profond de connaissances et « d’excellence » qui existe déjà dans les communautés. J’ai été époustouflé, mais peut-être pas surpris, par leurs réponses, qui continuent à me trotter dans la tête des semaines après l’événement.

Bien que l’on puisse être tenté de recueillir ces réponses en tant que « données » importantes pour démontrer l’impact de notre projet et, par extension, le pouvoir de l’art et/ou des approches artistiques, je suis réticent à traiter ce moment comme une « découverte » ou un « résultat » de recherche. Les données, après tout, fonctionnent par le biais de la réduction et de la généralisation, en tenant compte des vicissitudes de l’enchevêtrement qui constituent les relations dans le monde. En effet, les approches quantitatives et qualitatives de la collecte et de l’analyse des données, telles que celles utilisées dans le cadre de la recherche en éducation, tendent à privilégier la cohérence par rapport à la contingence, la normalisation par rapport à la différence et donc la réduction de la complexité en faveur de déterminations causales bien ordonnées et de corrélations simples. Alors que les pratiques de données quantitatives nécessitent souvent la division discrète entre le sujet et l’objet ou le chercheur et l’objet d’étude, créant à son tour  » un pays imaginaire dans lequel les bases de données et les chiffres de corrélation ont servi de substituts aux réalités  » (Snaza & Weaver, 2015, p. 9), dans la recherche qualitative, l’invention sujet-objet soutenue par les protocoles de données a conduit à une posture apologétique dans laquelle le chercheur doit  » pleurer son incapacité à capturer une réalité incertaine, confuse, complexe et toujours changeante  » (Snaza & Weaver, 2015, p. 9). Dans les deux cas, les chercheurs dissimulent derrière les données tout en proclamant néanmoins l’accès à un monde où les données  » parlent  » d’elles-mêmes.

Mais comme la question susmentionnée et les nombreuses réponses possibles le soulignent, ce qui est dit, dans un atelier éducatif par exemple, ne peut pas être si facilement capturé et traité comme une donnée. En effet, ce qui manque à ma description ci-dessus de ce moment pédagogique apparemment puissant, ce sont les bruits de la salle, les « hmmm » qui accompagnaient les hochements de tête, les ricanements dans le coin, mais aussi tout ce que nous n’avons pas entendu, tout ce que nous ne pouvions pas entendre : les dialogues internes, les regards vides, les questions non posées, les confusions et les contestations, le son du « pas encore » et du « non merci ». C’est cette dimension inaudible qui ne peut pas, et peut-être ne devrait pas, être captée par la recherche, mais qui a néanmoins un impact sur la façon dont nous pouvons réfléchir à des questions telles que : « À quoi ressemble l’espoir ? »

En repensant à la question provocatrice de l’étudiant qui a ouvert cette réflexion, ce qui me frappe maintenant n’est peut-être pas seulement la manière dont cette expression de curiosité a fait irruption dans notre activité de débriefing bien rangée, ni les réponses perspicaces qu’elle a suscitées, mais la manière dont elle a fonctionné, et continue de fonctionner, pour contrecarrer les hypothèses qui sous-tendent souvent les initiatives éducatives prétendument transformatrices (sans parler de leurs chercheur.e.s bien intentionnés), ce qui a un impact sur la manière dont nous pouvons collectivement créer des paysages d’espoir et pour l’espoir.

Ce texte a été rédigé en anglais par Jessie Beier. Merci à Jay Procktor pour les images.